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Conférence Manion 2016 : Dick Pound parle des valeurs et de l'éthique (FON1-V18)

Description

Cet enregistrement d'événement présente le discours principal de la Conférence Manion 2016, celui de Dick Pound, président du conseil d'administration des services de télédiffusion olympique, qui porte sur le leadership efficace.

Durée : 00:43:34
Publié : 8 août 2016
Type : Vidéo


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Conférence Manion 2016 : Dick Pound parle des valeurs et de l'éthique

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Transcription : Conférence Manion 2016 : Dick Pound parle des valeurs et de l'éthique

Michael Wernick, greffier du Conseil privé :

C'est pour moi un grand honneur qu'on m'a fait en me demandant de présenter monsieur Dick Pound, l'un des plus célèbres Canadiens sur la scène sportive internationale, à titre de conférencier invité à cette Conférence Manion 2016. Nous avons hâte de connaître votre perspective et vos expériences.

Ce qui est fantastique dans mon travail, c'est que j'ai la chance de rencontrer des gens très intéressants et importants. Monsieur Pound, je vais ouvrir une petite parenthèse pour dire un mot sur Montréal, parce que je suis né à Montréal et que c'est la première communauté dans laquelle j'ai vécu. Mercredi dernier, j'ai rencontré un autre grand Montréalais qui a eu un impact considérable dans le monde. Il s'agit bien sûr de l'incomparable William Shatner de Star Trek. Il est évident que Montréal est un incubateur de grands Canadiens...

— Rires

... qui ont un impact mondial. Je suis honoré d'avoir la chance de vous avoir rencontré tous les deux.

Avant de vous en dire plus sur M. Pound, j'aimerais souligner l'excellent travail effectué par l'École de la fonction publique du Canada et ce, dans tous ses domaines d'activités.

Dans mon rapport annuel publié récemment à l'intention du Premier ministre (je sais que vous avez tous lu votre exemplaire), en vue de réaliser le programme du gouvernement et de répondre aux attentes croissantes des Canadiens, j'ai indiqué que la fonction publique se devait d'accélérer le rythme de modernisation et de renouvellement. Le monde qui nous entoure change constamment. Comme la société évolue, la fonction publique doit évoluer avec elle.

L'École de la fonction publique du Canada offre aux fonctionnaires de partout au pays, d'un océan à l'autre, des occasions exceptionnelles de renforcer les aptitudes et les compétences dont ils ont besoin pour exceller dans un environnement qui évolue rapidement. J'aimerais remercier Wilma, son équipe, son personnel et les dirigeants de l'École pour la contribution qu'ils continuent de faire dans la fonction publique. Je crois que nous pouvons applaudir l'École pour son bon travail...

— Applaudissements

Les événements spéciaux, comme la conférence Manion d'aujourd'hui, jouent un rôle clé en aidant à lancer des discussions approfondies, à générer des idées, des nouvelles façons de penser, de voir le monde et d'accomplir notre travail en tant que fonctionnaires. Les idées sont essentielles, mais nous devons également créer une culture qui accueille les idées pour qu'elles puissent s'implanter et germer. Nous devons bâtir une fonction publique dans laquelle les bons rapports entre ses membres, les intervenants et les partenaires sont la norme et non l'exception. Nous devons créer une fonction publique qui abolit les chasses gardées, les territoires et les silos, où la collaboration va de soi (où elle est notre première réaction), où la prise de risque judicieuse et éclairée est normale et encouragée. Bien sûr, je parle d'une fonction publique fondée sur le respect, l'ouverture et la transparence. Une fonction publique qui considère que sa mission permanente consiste à se renouveler, à faire preuve d'autoréflexion et à viser constamment l'amélioration. Une fonction publique dans laquelle tous les fonctionnaires obtiennent des résultats réels pour les Canadiens, des résultats qui peuvent être mesurés et ont des effets réels dans la vie des Canadiens et des autres peuples.

Objectif 2020 nous en apprend donc beaucoup sur ce que nous devons faire pour bâtir la fonction publique que nous désirons tous.

Nous devons accélérer le rythme des initiatives de modernisation afin d'avoir les bons outils ainsi que des structures et des processus allégés. En même temps, il faut redoubler d'efforts pour être le milieu de travail et l'effectif que nous devons être. Je continuerai d'insister sur un objectif important dont j'ai hérité de mes prédécesseurs, soit le bien-être au travail et la santé mentale en particulier, afin de permettre à tous les fonctionnaires de donner le meilleur d'eux-mêmes. Les dirigeants de la fonction publique ont une obligation de créer un tel environnement de travail, soit un environnement empreint de respect, un environnement qui tient compte des différences et de la diversité, un environnement où l'on fait preuve de compassion envers les personnes atteintes d'un problème de santé.

Donc, cette année, nous nous attendons à ce que tous les dirigeants d'organismes et de ministères se concentrent réellement sur la santé et le bien-être. Le bien-être en milieu de travail figure dans l'engagement ministériel et dans les accords de rendement des administrateurs généraux et, au cours des prochaines semaines et des prochains mois, vous discuterez avec eux des mesures appropriées pour permettre à votre institution d'avancer dans ce dossier important.

Dans ce contexte, notre façon de gérer les enjeux et les complexités éthiques est également une preuve de leadership efficace. Comme je l'ai dit souvent, une des choses à ne pas changer dans la fonction publique, c'est notre philosophie axée sur nos valeurs et notre respect de l'éthique. Nos valeurs constituent le fondement du travail que nous effectuons pour nos citoyens ainsi que la pierre de touche qui détermine notre orientation pour l'avenir. Nous devons demeurer professionnels et non partisans. Les valeurs de la fonction publique (respect de la démocratie, respect des personnes, intégrité, intendance, excellence) continuent de guider toutes nos actions, ce qui m'amène à vous présenter l'une des personnes les plus renommées au Canada.

Vous pouvez consulter Google pour vous renseigner sur la contribution de Dick Pound au monde du sport de compétition internationale de haut niveau. Je ne répéterai pas tout ce qu'on y trouve, mais il a eu une carrière impressionnante et diversifiée : nageur de compétition, médaillé, olympien, avocat‑fiscaliste, chancelier d'université, auteur, membre du conseil de direction d'une organisation internationale pendant seize ans, je crois, il a fait une énorme contribution au monde du sport et au mouvement olympique au Canada (et bien sûr dans le monde entier). Il est né à St. Catharines, mais possède de solides racines à Montréal. Dick Pound a commencé à participer aux compétitions olympiques dès son jeune âge, ce qui lui a permis d'être finaliste à deux reprises aux Jeux de 1960 à Rome.

Combien d'entre vous étiez nés en 1960?

— Rires

Et il s'est mérité des médailles...

— Rires

Il a gagné des médailles d'or, d'argent et de bronze pour le Canada aux Jeux du Commonwealth en Australie. Alors qu'il était étudiant, on lui a offert le poste de secrétaire du Comité olympique canadien, et a continué à travailler et à se démarquer au sein de cette organisation. Il a plus tard été promu à la présidence de l'organisation. En 1987, il a assumé le rôle de vice-président du Comité international olympique et a été membre du conseil de direction du Comité pendant seize ans et l'a aidé à traverser des périodes très difficiles et agitées.

Dick a fait des Olympiques une entreprise valant des milliards, en faisant la promotion de l'image de marque et des anneaux olympiques, en négociant les droits pour la télévision et des ententes avec les commanditaires et il joue encore un rôle dans le domaine de la télédiffusion des Jeux olympiques.

En raison de ses préoccupations et de son engagement envers l'éthique dans les sports, Dick a fondé l'Agence mondiale antidopage pour coordonner la lutte contre le dopage dans le sport. En cinq ans, le code de l'Agence avait été adopté par toutes les disciplines olympiques, ce qui témoigne de son esprit de franc jeu, de sa ténacité et de ses habiletés d'organisateur. Le dopage dans le sport représente encore un défi de taille. Vous pouvez interroger Google pour constater dans quelle mesure cette question est d'actualité dans l'athlétisme et d'autres sports. C'est un défi permanent.

Sur cette présentation très sommaire d'une carrière remarquable qui, soit dit en passant, est loin d'être terminée (je sais que nous continuerons d'entendre parler de Dick Pound, de ses contributions au Canada et ailleurs dans le monde), je vous demande de vous joindre à moi pour accueillir – comme seulement la fonction publique et Ottawa savent le faire – un Canadien remarquable, Dick Pound.

— Applaudissements

M. Pound :

Merci.

Merci beaucoup pour cette splendide présentation. Elle est remarquable comparativement à celle qui a été effectuée pour notre coach de l'équipe nationale de basketball, Jack Donohue, il y a quelques années. Il était à une conférence (c'est un très bon orateur) et on lui a dit lorsqu'il montait sur scène : « Jack, comme nous avons pris un peu de retard, auriez-vous l'obligeance de vous présenter vous‑même? »

— Rires

« OK », a-t-il répondu en enchaînant : « Je m'appelle Jack Donohue. Je suis l'entraîneur de l'équipe nationale de basketball du Canada, j'ai 61 ans, je suis marié, j'ai cinq enfants et je dors tout nu. »

— Rires

Et il a ajouté : « Cela pose seulement problème lors de longs vols ».

— Rires

Je dois dire qu'il me fait grand plaisir d'être ici. Vous êtes un auditoire extraordinaire, et je sais que c'est un honneur d'être invité à prononcer le discours de la Conférence Manion et de pouvoir m'adresser aux dirigeants actuels et futurs de la fonction publique du Canada. J'apprécie également la continuité de la relation avec les représentants de la famille Manion, particulièrement vous, Madame l'arrière-grand-mère Manion. Ma principale inquiétude est que vous en arriviez à la conclusion qu'il se produit un déclin dans la qualité des orateurs invités à prononcer un discours à cette occasion.

Comme pour de nombreux aspects du leadership dans le monde complexe d'aujourd'hui, on se préoccupe des normes de leadership ainsi que des responsabilités inhérentes à l'exercice des pouvoirs considérables qui vous sont ou seront conférés en tant que fonctionnaires. Ces pouvoirs permettront et pourront nécessiter que vous preniez des décisions, souvent des décisions discrétionnaires, qui peuvent avoir des répercussions profondes sur les vies touchées par ces décisions. Vous voudrez prendre les bonnes décisions, des décisions qui respectent le droit et qui sont raisonnables par rapport aux faits qui vous sont présentés au moment de la prise de décision.

En fait, vous exercerez aussi une influence considérable sur l'élaboration et l'application des politiques législatives, en aidant les détenteurs du pouvoir politique à éviter les erreurs et en portant à leur attention des lacunes et des écarts en vous fondant sur votre compréhension des rouages de l'administration du gouvernement que les législateurs pourraient ne pas bien connaître, et bien sûr en vous assurant que la législation et son application n'enfreignent pas les dispositions de la Charte.

La vraie valeur, ou plutôt la vraie mesure des valeurs de toute société est reflétée dans la façon dont les fonctionnaires s'acquittent de leurs tâches et dans le degré de confiance que suscite leur conduite dans cette société. Les gens raisonnables savent très bien qu'ils n'obtiennent pas toujours les résultats qu'ils désirent. Cependant, ils doivent être capables de conclure que leurs préoccupations ont été entendues et traitées de manière juste et impartiale, qu'ils ont eu toutes les chances possibles de présenter leurs points de vue et qu'on en a tenu compte lors de la prise de décision.

Dans le domaine que je connais le mieux, soit la fiscalité, le plus souvent le processus s'apparente à la thérapie du cri primal...

— Rires

... dans lequel le résultat final est souvent moins important pour le contribuable que la certitude qu'une personne indépendante a écouté ce que le contribuable avait à dire.

Vous faites partie des leaders actuels et futurs de la fonction publique, à ce titre, vous devez assumer de nombreuses responsabilités importantes sur les plans juridiques, stratégiques, administratifs et moraux.

Comment devez-vous approcher les enjeux de leadership associés à vos postes? C'est la question à laquelle je suis censé répondre aujourd'hui.

— Rires

Cet après-midi, je vous propose d'utiliser une approche différente pour aborder cette discussion. Comme mes amis skieurs diraient, une approche « hors piste » qui, je l'espère, vous sera utile dans l'avenir.

Au fil des ans, j'ai recueilli de nombreuses observations sur le leadership et le contenu moral du leadership. Je vous ferai part de certaines de ces observations.

Commençons par la notion de leadership. Selon le Concise Oxford Dictionary, la définition du verbe « diriger » est d'amener (une personne ou un animal) à en suivre une autre en l'attirant, et un « leader » est une personne qui dirige, commande ou est à la tête d'un groupe, d'une organisation ou d'un pays.

Il peut sans doute être utile d'examiner certaines observations qu'ont faites de grands leaders et universitaires sur la question du leadership. En voici quelques exemples :

En parlant de concepts, Peter Drucker a dit : « La gestion, c'est de bien faire les choses; le leadership, c'est de faire les bonnes choses. »

Warren Bennis, dans son livre intitulé Why Leaders Can't Lead, (un peu inquiétant à mon avis, si vous aviez l'intention de l'acheter), a écrit quelque chose de semblable : « Les leaders sont des personnes qui font les bonnes choses, et les gestionnaires sont des personnes qui font bien les choses. Les deux rôles sont cruciaux, mais diffèrent considérablement. J'ai souvent vu des personnes qui occupent des postes supérieurs, dit-il, bien faire les mauvaises choses. »

— Rires

Norman Bethune, un autre Canadien célèbre, a abordé l'aspect personnel du leadership, en disant que « chaque dirigeant commence d'abord par se diriger soi-même ».

Ensuite, il y a l'approche assez musclée (voire stéroïdienne) de Paul Keating, qui soutient que « le leadership n'a rien à voir avec la gentillesse, mais consiste à avoir raison et faire preuve de fermeté ».

Woodrow Wilson a conclu, en se fondant sur son expérience universitaire et politique, que « d'abord et avant tout, un leader efficace doit s'identifier à sa cause  ».

Clark Crouch a dit (et c'est une de mes citations favorites) : « Le leadership consiste à faire en sorte que les bonnes personnes fassent les bonnes choses pour les bonnes raisons de la bonne manière au bon moment, en utilisant bien les ressources. »

Voici maintenant certaines opinions cyniques et parfois humoristiques sur le leadership qui contiennent néanmoins un grain de vérité, et permettent de vérifier les observations plus sérieuses.
En voici une de Clifford Hanley, tirée d'un livre de citations écossaises, qui affirme qu'« un leader né est quelqu'un qui a peur d'aller ailleurs seul ».

— Rires

Tom Wolfe a fait l'observation suivante : « Il est très rassurant de croire que les leaders qui commettent de mauvaises actions sont fous. Ainsi, il faut seulement s'assurer de ne pas mettre de psychotiques dans des postes de haut niveau, et nous venons de résoudre le problème. »

— Rires

Adlai Stevenson a conclu que « c'est difficile de mener une charge de cavalerie lorsqu'on pense qu'on a l'air étrange sur un cheval. »

— Rires

Ellis Marsalis, pour sa part, conseille de « ne jamais suivre une personne qui travaille moins que vous ».

D'après Thomas Henry Huxley, « ceux qui disent qu'ils dirigent sont simplement les individus d'un troupeau qui courent le plus rapidement et crient le plus fort lorsque le troupeau se précipite aveuglément vers sa destruction ».

— Rires

Publilius Syrus, selon moi un observateur très réaliste de la condition humaine, a déclaré : « Tous sont capables de tenir la barre quand la mer est calme. »

Toutes ces observations sont utiles pour cerner les éléments du leadership qui, selon moi, sont les suivants :

Premièrement, le leadership exige d'avoir une vision de ce que l'organisation est ou doit être. Ce concept de vision sous-tend implicitement qu'il y a toujours un écart entre ce que l'organisation est, au moment présent, et ce qu'elle peut devenir, et qu'elle comporte un potentiel non réalisé.

Pendant quelques années, j'ai fait partie du conseil d'administration d'une société publique (il y a de cela un certain temps). Un de mes collègues, un directeur, a demandé au PDG de l'entreprise quelle était sa vision de l'entreprise. Le PDG a pris l'énoncé de mission de l'entreprise et a commencé à le lire. Le directeur l'a interrompu en disant qu'il ne lui avait pas demandé de décrire la mission, mais plutôt sa vision de ce que l'entreprise devrait être, où il voulait l'amener. Le directeur a illustré son point de vue de façon amusante en disant que le Christ avait une vision et avait envoyé des missionnaires; il n'avait pas une mission pour laquelle il a envoyé des visionnaires.

— Rires

Je ne dirais jamais, en aucun cas, que le leadership est un exercice solitaire – loin de là. Le leadership devrait comporter autant d'écoute que de temps de parole. Personne n'a le monopole des bonnes idées. Un bon leadership doit comprendre la volonté d'accepter les belles idées, quelle que soit leur provenance, tant des membres de l'organisation que des personnes de l'extérieur, et bien sûr la capacité de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises idées.

Le leadership nécessite la capacité d'établir certains objectifs que le leader a déterminés et est capable de formuler.

Il faut également que ces objectifs soient structurés en un plan et présentés pour permettre à l'organisation de les atteindre. Le leader doit toujours savoir ce qu'il est possible de faire et surtout ce qui ne l'est pas. Le leader devrait ainsi peut-être s'attendre à réduire ses objectifs ou sa série d'objectifs (sans pour autant abandonner le but ultime) et ne pas tenter d'aller trop loin, trop vite. Cela pourrait également vouloir dire que le leader ne divulgue pas la totalité de son plan tant que l'organisation n'est pas prête à l'assimiler. À ce sujet, ceux d'un certain âge parmi vous se souviendront peut‑être de la critique à l'endroit de la Charte lorsqu'elle a été adoptée, avec la clause « nonobstant ». Le premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau, avait répondu comme il le faisait habituellement (ceux qui l'ont connu reconnaîtront son approche) en disant : « Aimeriez-vous mieux ne pas avoir de Charte du tout ou en avoir une assortie d'une clause nonobstant? » Fin de la discussion. Il connaissait très bien les risques politiques associés à la volonté d'aller trop loin trop vite.

Une autre habileté consiste à être capable de communiquer le plan à l'ensemble de l'organisation et d'obtenir son acceptation à tous les niveaux. Sans cette acceptation, il est peu probable que le plan, si bon soit-il, puisse bien être exécuté. Ce n'est que si l'équipe de direction et les employés s'engagent envers le plan qu'ils déploieront leurs meilleurs efforts pour le concrétiser.

Dans la majorité des cas (et vous vous trouverez certainement dans cette situation dans la fonction publique), il faut également obtenir un assentiment externe pour le plan; le niveau d'assentiment variera en fonction du public touché, mais le soutien tacite ou manifeste de ce public est essentiel au succès de l'organisation. Il peut s'agir d'électeurs, d'investisseurs, de bienfaiteurs, de consommateurs ou d'adeptes de loisirs. Peu importe le type de public, un leader doit être capable d'obtenir le soutien nécessaire.

Une fois que le plan a été dressé et qu'il a été accepté, le leader doit ensuite habiliter la direction et les employés. Il doit à tout prix lutter contre la tentation de microgérer les activités – et pour ceux qui le savent, plus vous comprenez les tâches à exécuter, plus il y a de risques que la tentation se présente. Donc, la tâche du leader est de superviser et de s'assurer que tous les membres de l'organisation donnent le meilleur d'eux-mêmes. S'il y a un adage dont il faut se souvenir dans ce contexte, c'est celui-ci : « mettez la main à la pâte, mais sachez quand la retirer ». Nous avons tous entendu l'histoire cauchemardesque du leader mouette, qui vient visiter de temps en temps en poussant des cris aigus, en laissant tomber des excréments partout...

— Rires

... puis repart comme il est venu. Vous connaissez peut‑être aussi l'école de gestion de crise Jésus-Christ, où chaque fois qu'il se produit une crise, le leader crie « Jésus-Christ! ». Ce ne sont pas les leaders que vous voulez imiter.

— Rires

À certains égards, un leader doit quelque peu jouer un rôle de cheerleader en démontrant de la reconnaissance et de l'appréciation pour un travail bien fait et pour la réussite. Il est remarquable de constater (et je suis sûr que vous connaissez d'expérience ce phénomène) à quel point les gens sont prêts à travailler fort lorsqu'ils savent que leurs efforts sont remarqués et appréciés par les dirigeants de l'organisation. Le plus souvent, la satisfaction au travail a beaucoup plus à voir avec le sentiment de se sentir apprécié par les dirigeants de l'organisation qu'avec la rémunération. Selon un proverbe chinois, un bon leader inspire la confiance des gens en lui tandis qu'un leader extraordinaire les inspire en leur donnant confiance en eux.

Un leader doit toujours évaluer et mesurer les progrès réalisés vers l'atteinte des objectifs de l'organisation. Encore une fois, il ne s'agit pas de se pencher sur tous les détails, mais d'examiner la situation en adoptant une perspective de 10 000 mètres. Je ne me suis jamais trouvé dans un cadre réglementaire où j'ai eu à appliquer ce principe, mais si j'étais roi pour un jour dans le domaine de la réglementation, je ferais en sorte que les entités déclarantes ne soient tenues de faire rapport qu'une fois par année, plutôt qu'à tous les trimestres (sauf, bien entendu, si des changements significatifs doivent être apportés à l'évaluation des risques). Je crois qu'exiger que les organisations atteignent des objectifs financiers et d'autres objectifs trimestriels se situe à la frontière de l'absurdité dans le cas d'organisations qui ont des objectifs à moyen et à long terme. Nous avons tous constaté les excès et les manipulations qui ont valu des difficultés à de nombreuses organisations et aux membres de leur haute direction et qui ont même donné lieu à des comportements criminels.

Personne n'est vraiment clairvoyant, même les meilleurs leaders. Par conséquent, des événements pourraient se produire (et occasionnellement se produiront) qui nécessiteront une adaptation aux nouvelles circonstances et un remaniement des stratégies et des plans. Le leader doit toujours se tenir à l'affût des circonstances qui nécessitent des modifications; les meilleurs leaders sont capables de prévoir ces circonstances et de déterminer la meilleure façon de composer avec elles en temps réel et non attendre qu'elles aient un effet paralysant sur l'organisation. Comme nous le savons tous, il est toujours mieux d'éviter un problème que d'avoir à le résoudre.

Cela m'amène à un conseil que tout bon leader devrait suivre. Il ou elle doit se donner du temps pour réfléchir. David Schwartz, l'auteur de The Magic of Self Direction, fait remarquer qu'« une personne qui a réussi profite de la solitude pour rassembler les morceaux d'un casse-tête, trouver des solutions et pour planifier. » Vous n'avez pas besoin d'être Einstein (et vous ne voulez peut-être pas l'être), mais en tant que leaders, il est certainement important de garder à l'esprit l'une de ses observations les plus connues, soit que « les problèmes ne peuvent pas être résolus en se servant du cadre qui a engendré les problèmes ».

Passons maintenant au défi le plus difficile, soit examiner les aspects moraux du leadership.

Cela n'est pas facile, comme nous le savons tous, et quiconque s'attaque à cette tâche doit veiller à ne pas tomber dans le piège du sermon. Comme l'a mentionné Samuel Johnson : « Ne soyez pas trop prompt à faire confiance aux enseignants de la moralité, ni à les admirer, ils tiennent des discours comme des sages, mais se comportent comme des hommes. »

Il se peut que nous nous penchions rarement sur la moralité en tant qu'aspect de notre vie. Dans son livre Everyday Ethics, Joshua Halberstam mentionne que nous passons plus de temps à nous préoccuper de la qualité de notre vie émotionnelle que la qualité de notre vie morale. De nombreuses personnes sont prêtes à bouleverser leur vie dans leur quête du « bonheur émotionnel », mais très peu changent leurs présomptions morales. À quand remonte la dernière fois où vous avez remis vos valeurs en question?

Encore une fois, nous sommes ici pour examiner la moralité du leadership ou des valeurs. C'est pour moi une invitation à examiner la moralité, non dans un cadre abstrait, mais en réfléchissant à la façon dont les considérations morales guident les actions des meilleurs leaders.

En fin de compte, nous parlons de nos valeurs, de ce que nous sommes prêts à faire et ce que nous ne sommes pas prêts à faire.

À certains égards, pour ceux qui ont de l'expérience en marketing, il est peut-être plus facile de comprendre la question en pensant à une marque commerciale ou à la marque de votre organisation. Comme vous le savez, une marque n'est pas seulement une marque de commerce ou un logo estampillé sur un emballage ou un produit, ou seulement une description d'un service. Une marque représente un ensemble d'attentes et d'approbations. Voici un exemple simple pour illustrer ce point. Si je vous dis « Lada » et « Rolls Royce »

— Rires

Si je dis « Mont Blanc » ou « Swatch »... désolé. « Bic » et « Mont Blanc ». Excusez-moi...

— Rires

... « Bic » et « Mont Blanc » ou « Swatch » et « Rolex ». Dans les deux cas, je décris des produits qui ont le même but, soit fournir un moyen de transport, vous permettre d'écrire ou de dire l'heure. Mais je suis prêt à parier que chacune des marques que j'ai mentionnées vous a fait penser à des attentes complètement différentes et au type d'utilisation approprié pour chacun d'eux, sans oublier au montant que vous seriez prêts à débourser pour chacun.

Comme vous le savez peut-être, pendant plusieurs années, j'ai été chargé de négocier les droits télévisuels pour les Jeux olympiques et d'établir le programme mondial de marketing du Comité international olympique. Dans le cadre de cet exercice, nous avons dû déterminer les éléments fondamentaux, les valeurs de base de la marque olympique afin de savoir ce que le monde pensait et s'attendait de nous. Pour ma part, il s'agissait d'un exercice fascinant et particulièrement utile, et nous avons appris, de manière quelque peu surprenante, que la représentation de la marque olympique était remarquablement uniforme partout dans le monde, que ce soit dans l'est, l'ouest, le nord ou le sud, tant dans les pays développés qu'en voie de développement. Il a été assez intéressant de constater qu'en plus des éléments évidents de la marque comme « médaille d'or », « champion olympique » et « record mondial », les principaux aspects de cette marque étaient davantage axés sur des valeurs et exprimés dans un contexte moral, notamment les aspirations, la jeunesse, le caractère international, la paix, l'effort et le respect.

La recherche que nous avons menée à ce sujet nous a permis de ne pas nous écarter de ces valeurs fondamentales dans nos arrangements commerciaux ou télévisuels. Elle nous a également montré qu'il fallait éviter d'établir des relations dommageables pour la marque. Cela nous a alors été facile par exemple de refuser des commandites de la part des compagnies de tabac, qui étaient très populaires dans plusieurs régions du monde, comme vous le savez, ainsi que toute association avec les spiritueux, car cela aurait non seulement communiqué un message en contradiction avec les attentes du public concernant la marque olympique, mais aurait aussi été contraire aux « permissions » associées à la marque. Donc, nous interdisions à nos commanditaires télévisuels des Olympiques de diffuser des publicités sur tous les produits de cette nature.

Mais une fois en Asie, un diffuseur avait une compagnie de tabac comme commanditaire. Nous lui avons dit qu'il ne pouvait pas passer des annonces de tabac ni de cigarettes durant les Jeux, qu'il pouvait le faire à tout autre moment, mais pas durant les Jeux. Le diffuseur a insisté en disant que le tabac n'était pas perçu négativement dans son territoire de diffusion et que le public ne réagirait pas négativement aux publicités. Nous étions alors dans une impasse, jusqu'à ce que nous trouvions une solution au problème.

À l'époque, et même dans une certaine mesure à l'heure actuelle, tous les diffuseurs de programmation olympique dépendaient de ce qu'on appelait le diffuseur hôte pour fournir le signal de base, la couverture de base de tous les événements (chaque épreuve éliminatoire, chaque quart de finale, chaque match, chaque présentation de médailles ou toute autre activité) comme images d'archives et ils pouvaient ensuite s'en servir pour présenter une couverture unilatérale, qui serait [par exemple]... le Canada couvrirait en profondeur un événement auquel les athlètes canadiens participent ou dans lequel on s'attend qu'ils se démarquent.

Notre solution pour empêcher la diffusion de cette publicité sur les cigarettes était très simple. Dès que nous avons constaté que le diffuseur avait présenté une autre annonce de tabac, nous avons coupé leur connexion avec le signal de base. Leur réseau était complètement hors service – aucun son, aucune image, rien. Il a paniqué, je veux dire cela ne leur a pris que quatre secondes pour nous appeler pour nous dire « il y a un énorme problème » (leur réseau était en panne). « Que peut-on faire? »

Nous leur avons répondu : « Nous sommes bien sûr désolés d'apprendre que votre réseau est en panne. Serait‑ce possible que les composants électroniques soient allergiques à la fumée? »

— Rires

Ils ont compris. Nous les avons rebranchés, et le problème a été résolu, non seulement pour cette journée-là mais pour toujours. Vous apprenez ce que vous êtes prêts à faire dans des cas semblables. Tout le monde, tous les diffuseurs qui couvraient les Olympiques ont su ce qui était arrivé, pourquoi c'était arrivé et ils ne voulaient pas que cela leur arrive à eux.

Donc, premièrement, vous devez déterminer quels sont vos principes de base, puis où vous allez tracer la ligne à ne pas franchir et ensuite vous assurer que vous n'enfreindrez pas ces principes. Votre responsabilité en tant que leader est de vous assurer que tous les membres de votre organisation comprennent ces principes et qu'ils sont fondamentaux, non seulement parce que vous le dites, mais parce que votre conduite prouve clairement que c'est le cas.

Il est certainement utile pour tout leader de se demander s'il y a une différence entre les valeurs qu'il défend et celles que l'organisation prône, et peut-être l'inverse. Tout écart entraîne forcément la probabilité d'un échec moral.

Un leader devrait également être reconnu par l'intégrité des promesses qu'il fait. Même si selon la déclaration bien connue de Sam Goldwyn, une promesse verbale ne vaut pas le papier sur lequel elle est écrite, une promesse verbale est toute aussi contraignante qu'un contrat écrit.

J'ai vécu une telle situation il y a quelques années dans le cadre d'un important contrat de télédiffusion conclu avec NBC concernant les droits de télédiffusion américaine des Jeux. Les négociations habituelles se sont déroulées sur une certaine période. En réalité, je faisais semblant de négocier en lires italiennes afin de ne pas paniquer à la vue des montants concernés. Ainsi, les négociations ont été suivies de la signature officielle du contrat quelques semaines plus tard ainsi que du dîner de célébration habituel, et tous les intéressés sont retournés chez eux par la suite.

Quelques semaines après la signature, le responsable de NBC Sports m'a appelé à mon bureau de Montréal pour dire que lui et plusieurs de ses cadres supérieurs devaient me rencontrer d'urgence. J'ai répondu que je serais heureux de les rencontrer, mais qu'étant donné que j'étais seul et qu'ils étaient plusieurs, il serait plus pratique que je prenne le premier vol du matin et que je me rende à New York le lendemain. Il a dit : « Non, c'est urgent » et qu'ils viendraient à Montréal cet après-midi. Je leur ai répondu que cela me convenait. N'est-il pas merveilleux d'avoir accès à un jet d'affaires?

— Rires

En tout cas, lorsqu'ils sont arrivés, je leur ai demandé : « Quel est le problème? Pourquoi cette question est-elle si urgente que tout ce talent qui devrait s'occuper à gagner des millions à New York se déplace jusqu'ici à Montréal à si court préavis? » Ils ont dit qu'ils avaient examiné le contrat que nous avons signé il y a quelques semaines et qu'ils avaient constaté, avec horreur, que selon le texte, ils devraient payer au CIO 60 millions de dollars de plus de ce qui avait été prévu et convenu (je crois qu'il s'agissait de la clause concernant le partage de revenu pour la portion du réseau qu'ils possèdent et exploitent). J'ai ajouté, « laissez-moi vérifier ». Ils m'ont donc montré le contrat et c'était bien vrai, c'est ce qui était écrit. J'ai assez de connaissances en droit pour savoir que, sur la base du contrat, on aurait pu se présenter devant un tribunal et gagner notre cause, car le contrat comportait une clause d'intégralité de l'accord (ce qui veut dire que rien ne peut y être ajouté). Leurs avocats surpayés et nos avocats surpayés s'étaient entendus sur la formulation du contrat et l'avaient approuvé avant que le contrat soit exécuté. Vous pouvez vous imaginer les visages déconfits qui se trouvaient devant moi.

Mais j'ai dit que l'entente qui avait été rédigée dans le contrat n'était pas celle sur laquelle nous nous étions entendus, et il était évident que les avocats avaient commis une erreur dans sa rédaction. Je n'avais pas l'intention de tirer profit d'une telle erreur et nuire à notre relation avec un très bon partenaire olympique. La question a été réglée en quinze minutes. Donc, la morale de cette histoire (je sais que cette histoire a circulé dans les réseaux) est que nos partenaires peuvent se fier sur nous pour remplir nos promesses et agir de bonne foi en tout temps.

Votre conduite en affaires devrait être uniforme, plutôt que ponctuelle et opportuniste. Chacun d'entre nous avons, j'en suis sûr, fait l'expérience de relations avec des organisations, des personnes et des professionnels qui, en gros, n'inspirent pas confiance et ne sont pas fiables. Il y a certains clients pour qui je ne suis pas disposé à travailler, non pas parce qu'ils ne sont pas capables de payer, mais précisément parce que je n'ai pas confiance en eux et que je ne veux pas qu'on identifie ni moi ni mon entreprise à eux. Cela n'a rien à voir avec l'importance du client ni sa capacité de payer les frais exigés. Il s'agit d'un choix éthique et moral que j'ai fait en tant que professionnel en ce qui a trait aux personnes à qui je suis disposé à offrir mes services.

Votre réputation dans la communauté découle de ce que les gens disent de vous en votre absence. Que disent-ils de vous? L'envers de la médaille est bien sûr que vous devez être prêts à dire en face à une personne la même chose que vous diriez dans son dos. Ne pensez pas que les gens ne vous jugent pas d'après ce que vous dites des autres. Ils peuvent croire ce que vous dites, particulièrement si ce sont des paroles négatives. Ils partagent peut-être votre opinion, mais ils se souviendront qui a prononcé ces paroles et se demanderont ce que vous dites sur eux lorsqu'ils ne sont pas présents.

Dans mon entreprise, nous avons souvent recours à un test décisif lorsque nous avons des doutes sur ce qu'on nous demande, sur une opinion qu'un client nous demande, sur la prise d'une mesure ou sur une tactique de négociation. Un des fondateurs de notre entreprise était un avocat accompli et un homme distingué, respecté de tous, pour ne pas dire vénéré. Je l'appellerai Georges. Donc, lorsque nous nous demandions quoi faire, nous nous demandions ce que Georges ferait. C'était effarant à quelle vitesse les obstacles moraux disparaissaient. Que ferait votre Georges?

Bien sûr, dans bien des cas, ce principe s'applique non pas tant lorsque vous examinez un problème. Cela se produit dans notre domaine d'activités. Lorsque nous examinons un enjeu, il est fort probable que nous trouvions une solution convenable. Le problème se produit lorsqu'on ne tient pas compte d'un point en particulier ou qu'on oublie d'en tenir compte. C'est là qu'on s'expose à de graves ennuis. Vous devez donc vous entraîner à vous poser ces questions, à les intégrer dans votre routine. Lorsque vous examinez une question, vous trouverez probablement la bonne réponse; mais si vous oubliez de faire cet examen ou si vous l'omettez délibérément, c'est à ce moment que les difficultés peuvent surgir.

Pour conclure, je dirais qu'en fin de compte un leader doit avoir une qualité essentielle, soit celle d'être capable de décider. Les décisions peuvent ne pas toujours être bonnes, mais un leader doit être capable de prendre ces décisions.

Voici un bon exemple qui s'est produit en 1993. Après une flambée de violence qui a causé la mort de plus de 140 personnes au cours de la semaine précédente, Nelson Mandela a réprimandé une foule qui exigeait qu'il adopte une position plus militante contre les Sud-Africains blancs. Il s'est adressé à eux ainsi : « Tant que je serai votre chef, je vous dirai quand vous avez tort et je vous féliciterai lorsque vous avez raison. »

Il savait bien, comme l'a dit André Malraux, que « le premier devoir du chef est d'être aimé sans séduire. Être aimé sans séduire, même soi ».

Il importe peu que vous soyez à la tête du gouvernement du Canada, de la General Electric ou d'un petit organisme communautaire – les principes du leadership restent les mêmes. Les leaders efficaces, peu importe leur échelon, doivent appliquer ces principes s'ils ne veulent pas devenir inefficaces.

Merci beaucoup.

— Applaudissements

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